Interview Serge Brugière : architecte urbaniste pour la ville de Saint-Étienne

Si vous vous posez des questions sur l’histoire de l’aménagement urbain et des espaces publics de Saint-Etienne, alors vous devez rencontrer Serge Brugière ! Diplômé de la première promotion de l’ENSASE en 1977, il a évolué tout au long de sa carrière au sein de la direction urbanisme de la ville. Son parcours, parsemé de rencontres, l'amène à développer ce département au service des Stéphanois.
Pouvez-vous vous présenter et parler de vos années d’études ?
Bonjour, après un baccalauréat génie civil et bâtiment, j’ai poursuivi mes études à Lyon. Très peu de temps après, l'ENSA de Saint-Etienne a ouvert ses portes, école que j’ai donc intégrée dès sa première année d’existence avec des amis issus du Lycée. Sortant d’une formation technique, nous avions un bagage qui nous avantageait dans l’apprentissage de l’architecture, notamment pour ces aspects techniques.
Lors des débuts de l’école, nous avons essuyé les plâtres, et c’est le cas de le dire !
Avez-vous une anecdote, un souvenir à l'ENSAE à nous partager ?
Il faut bien avouer que les premières années, l’école se cherchait encore et vacillait entre l’ingénierie et l’architecture. D’ailleurs, nous devinions une certaine concurrence entre les professeurs, à ce sujet.
Mais j’ai surtout souvenir de professeurs avec une grande expertise comme François Tomas (devenu par la suite directeur de l’école) et Mario Bonillia qui nous a suivi durant tout notre parcours.
Qu’avez-vous fait après votre diplomation ?
J’ai été diplômé en 1977 avec un grand attrait pour l’urbanisme. C’est pourquoi j’ai poursuivi mes études dans cette branche. Il faut savoir qu’à ce moment-là, après le premier choc pétrolier, il n’était pas évident de s’installer. C’est pourquoi j’ai passé un concours pour entrer dans les collectivités territoriales pour ensuite intégrer mon premier poste à Saint-Etienne avec pour mission la restructuration des quartiers et l’aménagement urbain, mais aussi l’habitat.
J’avais en charge la maîtrise d’ouvrage des différentes opérations et projets suivant toutes leurs étapes : études préalables de programmation, mais aussi administratives et financières et enfin leur réalisation avec des maîtres d’œuvre privés.
Le seul projet que j’ai conçu et réalisé comme architecte est l’ascenseur du Crêt de Roc.
Quel est votre principal métier ?
Je me reconnais davantage en tant qu’aménageur urbaniste qu’architecte.
La transformation urbaine de Saint-Etienne a été principalement marquée par la volonté d’hommes politiques comme François Tomas (adjoint à l’urbanisme) mais surtout Michel Thiollière en tant que Maire qui a impulsé une vraie politique globale de requalification urbaine à l'échelle de la ville. Avec les multiples crises, la ville avait consacré essentiellement ses financements à la reconversion économique en délaissant les quartiers. Cependant, la volonté de Michel Thiollière était d’agir plus fortement sur la qualité de vie des citoyens. De là, s’est développée une direction de l’urbanisme forte, regroupant plusieurs services et renforçant le pilotage des projets et le bureau d’étude de programmation urbaine avec l’arrivée d’architectes-urbanistes et ingénieurs.
Notre direction était force de proposition ce qui nous avait obligé à revoir notre organisation et mettre en place des groupes de travail décisionnels : techniques en y associant les services gestionnaires, mais aussi politiques sous la coupe du Maire.
Quels ont été les temps forts au sein de la Direction urbanisme durant votre carrière ?
Les années 95 à 2006 me semblent essentielles. En effet, la volonté du Maire était d’agir sur les espaces publics à l’échelle de la ville. Nous suivions ce qu’il se passait dans plusieurs villes et notamment Lyon. De là, nous avons pris contact avec Jean-Pierre Charbonneau qui a collaboré avec nous durant plusieurs années pendant lesquelles nous avons mis en place une politique d’aménagement des espaces publics à l’échelle de la ville en créant un Atelier de conception regroupant de jeunes architectes diplômés, des designers et des artistes de l’école des Beaux-Arts sous notre contrôle.
Cette période fut très intense et riche sur le plan technique, politique notamment dans les méthodes mises en place sans oublier la concertation avec la population au travers de multiples réunions publiques.
Quelles sont les difficultés rencontrées ?
La multitude d’acteurs en urbanisme, la durée de mise en place des procédures et surtout les finances limitées des collectivités sont de vraies contraintes. Sur ce dernier point Michel Thiollière a souhaité qu’ un dossier soit préparé pour alerter l’Etat pour que le projet de restructuration urbaine de Saint-Etienne soit reconnu comme Opération d’Intérêt National au même titre que Marseille, Saclay ou la Défense. Ce qui fût fait avec la création de l’Établissement Public d’Aménagement de Saint-Etienne pour réaliser les opérations sur Chateaucreux, Giat et bien d’autres.
Avez-vous un conseil à donner aux étudiants ?
Être curieux, aller voir dans les autres villes les projets et ce qu’il se passe. Les enjeux climatiques et la mobilité nous amènent à repenser la ville.
Le mot de la fin ?
J’ai fini ma carrière en charge des aménagements et du pilotage du projet urbain et de la coordination entre les différents partenaires : Ville, Sem, Epase.
Je pense avoir eu beaucoup de chance de pouvoir participer à ce grand projet de reconversion et de requalification de Saint-Etienne.