Interview Romain Mantout - Doctorant Ethiques environnementales en architecture

Interview Romain Mantout - Doctorant Ethiques environnementales en architecture

Romain, architecte diplômé d’Etat en 2015 et doctorant, a décidé d’explorer l'écologie dans l'architecture à travers ses études à l'ENSASE et une recherche approfondie pour sa thèse. Il défend une vision diversifiée de la construction écologique, mettant l'humain au centre et favorisant la cohabitation harmonieuse entre humains, animaux et végétaux.

A travers cette interview, il nous partage ses réflexions sur le sujet et ouvre le débat sur une architecture plus adaptée aux environnements changeants de notre époque.

Bonjour Romain, quel a été votre parcours académique ?

J'ai passé un Bac STI Arts Appliqués, puis j'ai intégré l'ENSASE, dans laquelle j'ai obtenu ma licence et mon master. J’ai ensuite travaillé quelque temps en agence, à la suite de quoi je suis parti voyager et ai travaillé dans d'autres secteurs pendant quelques mois. À mon retour, je me suis inscrit au Post Master d'un an de Recherche en architecture à Paris la Villette au cours duquel j’ai rédigé le sujet de ma thèse. J'étais alors en immersion au laboratoire GERPHAU (philosophie et architecture), dans lequel j'ai rencontré ma directrice de thèse.

Après encore une année à travailler sur le corpus théorique et la recherche de financements, j'ai établi une convention CIFRE entre la mairie de Martigues et mon laboratoire afin de financer ma thèse. J'ai alors pu travailler pendant quatre ans en tant qu'architecte pour le bureau de maîtrise d'œuvre interne à la ville tout en poursuivant ma recherche. Mon rôle d'architecte à la ville offrait un terrain à la thèse, et mon travail de recherche permettait de nourrir ma pratique de projet.

Au terme de la convention, en mars 2022, j'ai quitté la mairie pour me consacrer à la rédaction de la thèse jusqu'en octobre et que j’ai finalement soutenu décembre.

Quel était le sujet de votre thèse ?

Mon travail portait sur la façon dont un courant de pensée écologique spécifique peut s'incarner dans l'exercice du métier d'architecte. Mon objectif était de trouver des outils concrets pour incarner cette philosophie dans un processus concret de fabrication de l'architecture, comprenant les réalités politiques, économiques, pratiques et sociales qui y étaient associées. Plus largement, l'enjeu était de démontrer que, loin d'être consensuelle, il existe une grande diversité d'approche de la problématique écologique. Je voulais montrer qu'en tant qu'architecte, il est moins pertinent de se demander si une construction est écologique ou non, que de s'interroger collectivement sur la possibilité de nourrir nos pratiques de projet grâce à la multiplicité des manières d'envisager la problématique écologique.

Pourquoi avoir choisi de vous orienter vers l'architecture ?

D'abord par curiosité. Pendant mon Bac, j'ai eu l'opportunité d'explorer le graphisme, le stylisme et le design mais c'est l'espace qui m'a le plus intrigué. En poursuivant mes études dans ce domaine, j'ai pris conscience de l'intérêt de l'architecture et de l'ampleur de son champ de questionnement. Cela a renforcé mon envie de travailler dans ce domaine. Cependant, mes expériences en agence ne m'ont pas permis de traiter les questions qui m'intéressaient, ce qui m'a poussé vers la recherche. J'y ai trouvé plus de possibilités de questionnements, d'expérimentation et d'exploration.

Vous vous inscrivez dans la tendance des habitats participatifs et le fait de remettre l'humain au centre des projets. Comment définiriez-vous une construction écologique ?

Tout l'enjeu de mon travail est justement de réfuter une définition qui se voudrait valable partout et pour toutes et tous. La diversité des courants de pensée en philosophie montre que cette définition varie d'une personne à l'autre. Ce qui est écologique pour quelqu'un, dans une situation donnée, ne l'est peut être pas pour quelqu'un d'autre, ou dans un autre contexte.

Avec ma thèse, mon objectif était de déconstruire une forme de consensus techniciste autour de l'écologie en architecture, très présent dans les institutions. J'ai donc adopté un courant de pensée qui allait à l'encontre de cette approche pour privilégier la question politique de la cohabitation entre humains et non-humains. Dans cette perspective, une architecture écologique est une construction qui offre un cadre propice à la cohabitation entre les individus qui y habitent, qu'ils soient humains, animaux, ou végétaux. Néanmoins, si je souscris à cette perspective et que c'est celle que j'ai exploré dans le cadre de ma recherche, je pense que le débat reste, et doit rester ouvert pour que les architectes puissent se saisir de ces questionnements et en nourrir leurs pratiques de projets quelles qu'elles soient. Sans ce débat professionnel, nous continuerons à subir des normes et des labels centrés autour de questions techniques, sans levier d'action pour intégrer cette problématique dans nos travaux.

Envisagez-vous d'intervenir auprès de structures ou de donner des conférences sur ces enjeux ?

Oui, je pense que ce sont des enjeux qui ne sont aujourd'hui pas assez mis en lumière, ou alors pas toujours de la bonne manière. Je dois encore trouver les cadres qui me permettraient de participer à ce débat et de poursuivre mes travaux.

Quels aspects de l’architecture souhaiteriez-vous approfondir dans la construction de votre projet professionnel ?

Pendant ma thèse, j'ai beaucoup travaillé sur l'intégration du végétal dans le processus de conception architecturale. Cela me pousse à me demander dans quelle mesure il serait intéressant d'approfondir ma pratique du végétal de manière plus concrète, même si je ne suis ni agriculteur ni jardinier. Cela me permettrait de continuer à explorer ces questions et de mieux comprendre le fonctionnement des végétaux, pour ramener ce savoir vers l'architecture par la suite. Cependant, c'est une piste de réflexion que je suis encore en train d'explorer, et je ne sais pas encore sous quelle forme cela se concrétisera. Lorsque l'on fait de la recherche, on ne sait pas toujours où l'on va, c'est un peu le principe.

Comment votre expérience à l'ENSASE a-t-elle contribué à votre développement en tant qu'architecte ?

Mon expérience à l'ENSASE m'a énormément apporté. C'est là que j'ai initié ma réflexion sur l'écologie dans l'architecture. Les différents travaux que j'ai pu mener pendant la licence au sein de l'école, que ce soit dans le cadre des ateliers de projet ou d'autres matières, m'ont peu à peu permis d'ébaucher ces questionnements au cours de la licence. Mais c'est à l'occasion du mémoire de cinquième année, et du PFE que j'ai vraiment plongé dans cette thématique. Ça a été le point de départ de mes réflexions pour ma thèse. Ce qui m'intéressait, c'était de comprendre comment l'architecture pouvait favoriser la cohabitation entre différents modes d'habitation, qu'ils soient humains ou non humains. Je pense que cette question est fondamentale pour l'architecture, mais bien souvent négligée lorsqu'elle devient un produit de vente et perd sa dimension réflexive sur la manière de s'établir dans un milieu.

Selon vous, qu'est-ce qu'un bon architecte en 2023 ?

Cette question est complexe, car il existe de nombreuses pratiques de l'architecture. Les compétences d'un ou d'une architecte peuvent s'exercer de différentes manières, mais ce qui me semble primordial, c'est de considérer nos environnements, non pas comme des entités à protéger absolument, mais comme étant pluriels et dynamiques, en perpétuelle évolution. Les environnements diffèrent selon les personnes qui les perçoivent, et ils évoluent dans le temps. Je pense qu'un ou une bonne architecte cherche à intégrer cette complexité dans sa pratique, en s'adaptant à chaque situation. Il ou elle continue à porter attention aux milieux dans lesquels il ou elle intervient, que ce soit les personnes avec lesquelles se fait le projet, ou le lieu dans lequel il s'implante.

Articles pouvant également vous intéresser

Diplômée de l’ENSASE en 2013, Ségolène Charles a construit un parcours mêlant architecture, urbanisme et sciences politiques. Après une thèse sur la participation citoyenne dans les projets urbains, elle coordonne aujourd’hui le Conseil de développement de la Métropole de Nantes, une instance citoyenne au rôle consultatif. Dans cette interview, elle ...

Et si quitter sa zone de confort était la meilleure façon de trouver sa voie ? Découvrez l’histoire de Pierre BAROU, ancien étudiant de l’ENSASE, dont le parcours est marqué par des expériences à l'international. De l’Allemagne à la Colombie, il a multiplié les expériences à l’étranger. Dans cette interview, ...

Cookies

La navigation sur ce site nécessite l'utilisation de cookies obligatoires pour le bon fonctionnement du service. Ces cookies permettent de gérer l'authentification et l'internationalisation du site.