Interview Paul Cassar : architecte mandataire et photographe

Interview Paul Cassar : architecte mandataire et photographe

C’est avec un regard critique que Paul Cassar, diplômé de 1977, revient sur sa carrière d’architecte à son compte pour nous transmettre ses apprentissages. Aussi photographe, il nous dévoile sa vision sur le métier et notamment la part importante de la réalité sociologique dans l’architecture, plus fondamentale que « l’esthétisme ».

 

Bonjour Paul, quel est votre parcours académique ?

L’architecture a été une voie plutôt évidente, puisque selon mes parents, je parlais déjà du métier d’architecte à mes 6 ans mais ne me demandez pas l’origine de cette envie ! Alors, j’appréhendais l’architecture à travers la lecture et le dessin et ce, de façon tout à fait innocente et puérile bien-sûr.

Puis, c’est tout naturellement que j’ai candidaté à l’ENSASE à sa création en 1971, motivé à l’idée de rencontrer le parrain de l’école : Oscar Niemeyer. Mais, je ne l’ai jamais rencontré ! 

Sous la pression de l’ensemble des étudiants auprès de la ville, un jour est arrivé George Candilis pour 1 ou 2 jours…

 

Avez-vous un souvenir à l’ENSASE à nous partager ?

Justement, je me souviens bien de l’intervention de Candilis qui était venu en présence de Mario Bonilia son adjoint. Il parlait avec l’aide d’un projecteur de diapositives 6x6. Il ordonnait le changement de diapo par un coup d’un gros bâton au sol. Nous écoutions alors son discours rythmé par le bruit de sa « baguette » tout en lançant un « Mario ! » et la diapo suivante apparaissait. Et puis finalement, c’est Mario Bonilla que nous avons conservé pendant longtemps à l’école.

 

Qu’avez-vous fait après avoir obtenu votre diplôme ?

N’étant pas issu d’une famille d’architecte, très tôt, il m’a fallu travailler à temps partiel en agences pendant les années d’études. Une fois diplômé, j’ai épluché les pages jaunes afin d’appeler toutes les mairies de la région depuis une cabine téléphonique. Cette prospection a vite porté ses fruits. Le maire de La Ricamarie, Fernand Montagnon, me confie comme premier projet la salle Louis Daquin.

En parallèle, avec André Tomas et Bernard Chassagneux, des anciens camarades, nous avons créé l’agence AAE « Architecture Aménagement, Environnement ». Nous avons été retenus pour être les architectes d’opération de Paul Chemetov pour la reconstruction de la place Kosma, quartier Montreynaud. Quelques projets plus tard, malgré l’équipe grandissante, nous nous sommes séparés et j’ai préféré être mandataire d’une équipe plutôt qu’à la direction d’une agence. Chaque intervenant était co-traitant, j’en étais le mandataire. De l’extérieur, on nous appelait les “cent pour cent”. C’est donc dans cette configuration que j’ai évolué tout au long de ma carrière ; « l’équipe Cassar ».

 

Quels sont les difficultés et les temps forts rencontrés ?

Durant ma carrière, le plus difficile a été de démystifier l’architecture. mon rôle a toujours été de sortir des idées reçues sur l’architecture et de replacer le projet dans son contexte social et surtout dans le respect de l’humain 

Avec du recul, j’ai l’impression d’avoir initialement abordé l’architecture sous le prisme de l’esthétique, du design, mais ce que je retiens aujourd’hui de ma carrière n’est que le côté social quitte à refuser ou perdre certains dossiers.

 

Qu’est-ce qu’un bon architecte ?

Certes, un « bon architecte » doit savoir mener un chantier dans les coûts et les délais prévus, mais surtout l’architecte doit être là pour soulever et hiérarchiser les problèmes et replacer l’humain au centre de chaque décision, chaque choix.

Je me souviens avoir eu une mission de rénovation au sein d’une société HLM où les habitants étaient surpris face aux non-changements de leur logement, mais à la fois à quel point la rénovation était propre et respectueuse. Évidemment, in fine, ils allaient sûrement mieux vivre mais sans avoir saccagé, effacé leur histoire dans le lieu qu’ils occupaient depuis très longtemps pour certains.

 

Quel conseil donneriez-vous à un étudiant ?

La réflexion de l’architecte doit démarrer d’un constat partagé puis d’une analyse technique et sociologique et éventuellement d'une création tout en se prémunissant de toute vanité. La remise d’un diplôme n’est pas la remise d’un pouvoir. L’architecte doit être humble tout en sachant affirmer ses connaissances et doit refuser d’être l’outil de tout pouvoir, rester l’outil d’une société. Il y a donc une certaine humilité à avoir tout au long d’une carrière.

 

Le mot de la fin ?

J’aimerais boucler cet échange par une anecdote.

À 18 ans, j’avais refusé d’être recensé au titre du service militaire encore obligatoire à l’époque. Juste après avoir obtenu mon diplôme, dans la même semaine, j’ai rencontré Lucien Neuwirth, grâce à qui j’ai obtenu le statut de soutien de famille donc j’ai pu être exempté du service militaire. Je l’ai retrouvé dans le bureau de Fernand Montagnon quelques années plus tard autour d’un livre de photographies d’Ito Josué sur Jean Dasté. J’ai bien sûr encore l’exemplaire qu’ils m’ont dédicacé. Neuwirth et Montagnon étaient d’anciens résistants.

À 62 ans, en approche de la retraite, j’ai été touché par un cancer.Dans les mêmes temps, le centre de cancérologie de Saint-Etienne a été baptisé ICLN, Institut de Cancérologie Lucien Neuwirth, encore lui ! La boucle était bouclée !

Une vie se photographie comme un auto portrait, le sourire y est rarement invité…

Voici un extrait du dernier travail photographique de Paul Cassar, lors de « la foire aux chevaux à Fay sur Lignon ». L’idée étant de créer des « images » qui permettront d’imaginer combien l'homme manque de considération envers le monde animal.

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