Interview Louis Turquand d'Auzay : Architecte-chef de projet chez BAMAA

Louis est quelqu’un de passionné. Pour lui l’architecture a toujours été un chemin pour réaliser son rêve : faire lever la tête aux gens quand ils se promènent en ville et leur raconter une histoire. C’est cette volonté de laisser entrer l’imaginaire dans le réel qui en fait de lui un jeune architecte humaniste à suivre.
Bonjour Louis, quel a été votre parcours pour rejoindre l’ENSASE ?
Aussi longtemps que je m’en souvienne, j’ai toujours voulu être architecte. Seulement le bac en poche, mes notes m’empêchaient d’intégrer immédiatement une école d’architecture. Eh oui il y a peu de place et donc peu d’élus.
C’est ainsi que j’ai décidé de m’inscrire en licence d’histoire de l’art, histoire et archéologie, une autre matière qui me passionnait, afin de perfectionner mes connaissances pour un éventuel concours et présenter un dossier plus flatteur. Et c’était une bonne manœuvre car car un an plus tard je suis admissible dans les deux écoles de mon choix : Lyon et Saint Etienne. J’ai fini par choisir Saint-Etienne pour sa dimension plus humaniste.
Qu’est-ce qui vous a marqué à l’ENSASE ?
Je garde un souvenir mémorable de l’ENSASE notamment car nous réalisions régulièrement des voyages scolaires pour aller découvrir les œuvres architecturales de nos propres yeux. Je pense notamment à un voyage en Suisse en Engadine et dans les Grisons où on est allé se confronter à l’œuvre d’architectes tels Peter Zumthor, Gion Caminada, Olgiati qui ont une œuvre qui s’inscrit beaucoup dans la curiosité qu’on développe à l’ENSASE.
Ces voyages sont une vraie plus-value pour développer nos sens, découvrir comment la lumière reflète sur des matériaux « en réel », comprendre la notion d’espace d’architecture etc. Encore aujourd’hui mes souvenirs de ces voyages sont de vraies sources d’inspiration.
Qu'avez-vous fait suite à l'obtention de votre diplôme?
En fin de parcours j’ai réalisé un stage de 6 mois dans une agence parisienne. J’y ai beaucoup appris et les projets qu’on voyait défiler étaient vraiment intéressants mais je savais que je voulais revenir à Lyon. C’est comme ça que j’ai débuté ma carrière dans une première agence, Vera & Associés, dans laquelle je suis resté 2 ans.
Aujourd’hui je suis architecte dans une agence qui compte 17 architectes, du nom de BAMAA. Je travaille sur différents projets de l’esquisse jusqu’à la livraison en fin de chantier. Nous couvrons une multitude de projet : du logement collectif, du bureau, ou des équipements publics. C’est cette diversité des projets qui m’a attiré chez BAMAA.
J’ai pu remarquer que dans votre signature, vous vous présentiez comme chef de projet. Est-ce un titre qu’on acquiert dès la sortie d’école ?
A la sortie de l’école, un·e jeune architecte va plutôt commencer par être assistant chef de projet. Devenir chef de projet implique de pouvoir traiter l’intégralité des phases du projet. En fonction de l’investissement que l’on souhaite donner à sa carrière et de la taille des agences dans lesquelles on exerce, on va devenir plus ou moins vite chef de projet.
Cela fait 5 ans que je travaille et je suis devenu chef de projet au bout de 3 ans et demi.
Comment se déroule une journée type dans votre quotidien d'architecte / chef de projet ?
Aucune journée ne se ressemble quand on est architecte. C’est ça qui est bien. Cela va dépendre dans quelle phase du(des) projet(s) nous sommes. Par exemple, en phase de concours on est dans une bulle de création et d’échanges hyper rapides avec les ingénieurs pour parvenir à créer rapidement une forme architecturale. Une fois le projet remporté, s'ensuit une longue phase d’échanges avec toutes les parties prenantes pour donner vie au projet et faire en sorte que le chantier respecte le cahier des charges. Dans cette deuxième partie, c’est plutôt du suivi de projet sur le long court.
Au quotidien, on fait aussi beaucoup de dessins purs (la plupart du temps informatique), on ajuste des réglages, des détails sur un projet en cours et bien sûr ensuite on va sur le chantier pour faire le suivi et nous assurer que tout avance comme prévu.
Ce que je préfère c’est le moment où l’on transforme l’image de concours en un bâtiment réel et qu’on vient dessiner toute la partie des détails architecturaux. C’est le moment où l’on transforme une belle image, parfois un peu utopique au début, en une réalité tangible qui peut être construite.
Quel est le projet architectural qui a marqué votre jeune carrière ?
Pour l’instant mon projet coup de cœur est celui du siège social de la sécurité sociale du Rhône. C’est un concours auquel j’ai participé et que l’on a remporté avec l’agence BAMAA. C’est une vraie fierté de me dire que le chantier débute dans 6 mois. Ce projet vient cristalliser pas mal de choses qui me tiennent à cœur que ce soit sur l’image architecturale même ou bien la question environnementale. On a dessiné un projet particulièrement vertueux et à l’écoute de ses usagers. J’ai hâte qu’il sorte de terre.

C’est comment d’être un·e jeune architecte en France aujourd’hui ? Quel est, de votre point de vue sur l’état de l’insertion professionnelle des jeunes architectes ?
Depuis ma sortie de l’école en 2017, je dirais que le marché de l’emploi est assez ouvert. C’est assez facile de trouver un emploi, en tout cas en zone urbaine. Cela s’est fortement accéléré après le covid et notamment en 2022 où les embauches ont été très nombreuses. Le vrai problème se situe plutôt au niveau des rémunérations. Un jeune diplômé touche rarement 2000 euros à l’entrée sur le marché. C’est difficile à accepter après nos 6 ans d’études.
Généralement on touche ces salaires après 2-3 ans d’activité, lorsque la taille de l’entreprise le permet. Les architectes à leur compte, « monocellulaires », rencontrent également des difficultés à se rémunérer correctement et à atteindre des projets d’envergure.
Le constat est sans appel : la prestation architecturale est mal rémunérée en France. L’architecte est l’interlocuteur le plus présent sur un projet tout en ayant un taux horaire nettement plus faible qu’un ingénieur par exemple. Ceci fait que lorsqu’un ingénieur va pouvoir cumuler 30 à 40 dossiers dans son agence, l’architecte sera limité à 15. Avec le nombre de dossiers en simultané réduit, l’agence ne pourra pas forcément recruter à hauteur et va « charger » les quelques architectes présents pour leur assurer une rémunération convenable.
L’ordre des architectes travaille sur ces questions et la reconnaissance de notre métier mais l’architecture reste un métier très individualiste ce qui a tendance à nous desservir pour ce qui est de la défense de nos intérêts collectifs.
Avez-vous un conseil à donner aux jeunes architectes qui s’apprêtent à rejoindre la profession ?
N’arrêtez jamais de rêver. Gardez toujours en tête le récit que vous voulez diffuser dans vos créations. Il y a beaucoup de contraintes dans la création architecturale c’est pour ça que c‘est important de continuer de rêver et de vous accrocher au pourquoi. C’est l’essence même du métier d’architecte. Aussi, cultivez votre ouverture d’esprit et votre curiosité, ils seront vos principaux atouts en tant qu’architecte.