Interview Julie Bénézet : Architecte-Urbaniste-Paysagiste chez ZEPPELIN
Julie Bénézet est diplômée de l’ENSASE en 2017 et exerce aujourd’hui son métier d’architecte dans une petite agence lyonnaise. Sensible aux problématiques environnementales, elle œuvre chaque jour pour renouveler les modes constructifs en faveur de l’environnement.
Découvrez à travers cette interview ce qui l'anime au quotidien et quelques conseils pour trouver son équilibre dans l'exercice du métier d'architecte.
Bonjour Julie, pouvez-vous nous parler de l’entreprise dans laquelle vous travaillez ?
J’exerce chez ZEPPELIN, une petite agence lyonnaise qui travaille en interdisciplinarité entre architecture, urbanisme et paysage. Cela nous permet de toucher aussi bien à la maîtrise d’œuvre (réalisation de bâtiments et espaces publics) qu’à la planification urbaine (plans guides, programmation, faisabilité…) et à l’assistance à maîtrise d’ouvrage (accompagnement pour la réalisation opérationnelle de projets).
Nous sommes cinq, dont trois associés qui portent chacun un des trois champs de compétences (architecture, urbanisme et paysage). Nous travaillons essentiellement pour des collectivités (communes, communautés de communes, métropoles…) et organismes parapublics (HCL, CROUS, bailleurs sociaux, établissements fonciers…). Si pour ma part, j’ai fait l’école d’architecture, mon collègue a lui fait une formation paysagiste à l’école de Versailles. C’est ce qui fait la particularité et l’avantage de l’agence, nous avons tous des profils variés qui se complètent et nous permettent de travailler ensemble sur les projets, chacun apportant son expérience.
En quoi consiste votre métier ?
Mon quotidien est assez varié, car j’interviens dans tous les champs de compétence de l’agence. Je travaille aussi bien sur des projets d’équipements publics, généralement en réhabilitation avec une sensibilité patrimoniale (écoles, gymnases, médiathèques…) que sur des projets d’espaces publics (jardins, parcs, aménagements de quais, de berges et de voies cyclables, par exemple). Je réalise aussi des études urbaines pour accompagner les collectivités qui souhaitent se développer à long terme : stratégie de développement de secteurs (centre-ville, nouveau quartier…) et aide à la décision sur la mutation de foncier en réalisant des faisabilités poussées, plus particulièrement sur des ensembles bâtis vétustes (immeubles dégradés, friches industrielles...).
Selon vous, quelles sont les qualités à avoir ?
Je pense qu’il y a pas mal de qualités essentielles : avoir un bon esprit de synthèse, être capable de travailler en équipe et être patient. On ne travaille pas seul, surtout lorsque l’on réhabilite/construit des équipements publics comme à l’agence et il est essentiel de bien communiquer avec les partenaires associés aux projets (ingénieurs, économistes…) et de savoir organiser et synthétiser le travail. De plus, la patience est vraiment clé en ce qui concerne les projets de construction (c’est ce qui m’a le plus fait défaut au début !). C’est un temps assez long (plusieurs années) entre le démarrage et la réception de chaque projet. Il faut accepter de devoir faire des retours en arrière pour revenir sur certains aspects du projet. Et pour terminer, je pense qu'il faut aussi faire preuve de ténacité pour faire passer ses idées. Il faut s’accrocher au message que l'on veut faire passer jusqu’au bout.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
J’adore la polyvalence de mes missions et la variété des projets sur lesquels je suis amenée à travailler. Aucune journée ne se ressemble, d’autant plus que les projets d’équipements et aménagements publics sont tous différents :
Par leur nature : les programmes sont bien différents entre une école, un gymnase ou encore une médiathèque
Par leur emplacement : on travaille essentiellement avec des communes autour de Lyon, dans la métropole mais aussi dans la Loire, l’Isère et l’Ain. Ce sont des contextes complètement différents donc il faut s’adapter à chaque fois.
J’aime aussi travailler en équipe. En tant qu’architecte, on travaille rarement seul, il y a des bureaux d’étude qui nous accompagnent. On forme un noyau de conception qui œuvre en complémentarité et dans la même direction pour mener à bien un projet, et c’est ce qui fait la richesse de notre métier. Au fil des années, on tisse même des liens avec certains partenaires de longue date, ce qui nous permet d’établir des méthodes de travail d’autant plus efficaces mais aussi d’aller au-delà de l’aspect purement professionnel.
Quel est le plus grand challenge que vous rencontrez ?
Je pense qu’il est essentiel que les architectes prennent à bras-le-corps les grands enjeux portés par la transition écologique. Aujourd’hui, le secteur du bâtiment est l’un de ceux qui pollue le plus, notamment dans la branche de production des matériaux. Il est de notre responsabilité d’œuvrer au quotidien pour renouveler les modes constructifs en faveur de l’environnement.
À l’agence, nous essayons d’inscrire nos projets dans une démarche de sobriété énergétique et de bas carbone. Nous essayons au maximum de proposer des matériaux biosourcés ou recyclés, de nous tourner vers des systèmes d’auto-production d’énergie, de mettre en place une récupération des eaux pluviales… C’est un défi du quotidien qui nécessite de sensibiliser les acteurs de chaque projet pour faire passer ces dispositifs qui malheureusement restent aujourd’hui plus coûteux que les matériaux et systèmes conventionnels.
Nous faisons aussi un gros travail dans nos projets d’espace public. Nous limitons au maximum l’imperméabilisation des sols en travaillant sur des matériaux qui laissent infiltrer l’eau, récupérons les eaux pluviales et mettons à jour notre palette de végétaux sans cesse pour s’adapter à un climat qui change très vite.
Quelles formations avez-vous suivies ?
J’ai suivi une formation classique : licence puis master en école d’architecture directement après le bac. J’ai commencé à travailler en agence tout de suite après mes études. Au bout de deux ans, j’ai fait la HMONP parallèlement à mon travail en agence car je sentais que j’avais besoin de me former sur les aspects réglementaires, (assurances, responsabilités…).
Les études d’architecture ouvrent à plein de métiers. Je le vois bien dans mon agence, les trois associés ont tous fait l’école d’architecture en formation de base, puis chacun s’est spécialisé dans une discipline différente. Ce qui permet de se former et de se spécialiser, c’est avant tout les agences par lesquelles on passe. On absorbe beaucoup d'informations durant les deux premières années d’exercice. On se rend compte de comment mener un projet du début jusqu’à la fin, en participant aux différentes phases de conception puis de chantier. Ces premières expériences sont importantes pour trouver le mode d’exercice et la nature des projets qui nous conviennent.
Pourquoi avoir choisi l'ENSASE ?
Au premier abord, c’est l’ENSASE qui m’a le plus plu quand j’ai fait les portes ouvertes de pas mal d’écoles d’architecture au lycée. J’ai vraiment eu un bon feeling, j’ai senti que c’était l’endroit où je me voyais évoluer pendant 5 ans. Ce qui m’a séduite, c’est ce côté “maison”. D’ailleurs je crois que c’est une des plus petites écoles de France et ça se ressent, tout le monde se connaît, on est en plein centre-ville et ça apporte une vraie qualité de vie au quotidien.
Qu’est-ce que cette école vous a apporté en plus de la formation au métier ?
Sans le savoir avant d’entrer à l’école, je me suis rendue compte que l’ENSASE était très axée sur la culture artistique. On fait beaucoup d’art plastique, on a des cours, visites, films sur l’histoire de l’art et ça apporte une dimension culturelle complémentaire qui aide vraiment à la conception des projets. Je pense que c’est une sensibilité qu’on n’a pas forcément en arrivant à l’école mais que l’on garde longtemps après et qui nous nourrit au quotidien.
Je garde de bons souvenirs de ces années d’études. Comme on était des petites promotions, on s’entraidait beaucoup et ça permettait de passer au mieux les moments difficiles et de se sentir entouré. J’ai d’ailleurs gardé de très bonnes relations avec certains de mes anciens camarades qui sont devenus mes amis proches.
Un conseil pour ceux qui souhaitent se lancer ?
Je pense que pour se lancer, il faut avant tout avoir envie et être curieux. La sensibilité culturelle et la créativité que l’on croit parfois si essentiels viendront avec la pratique. Il faut aussi savoir rester humble. Les architectes souffrent de l’image de l’architecte star qui fait ses projets tout seul. Mais ça ne reflète pas la réalité. Aujourd’hui être architecte c’est avant tout savoir s’entourer et travailler en équipe.
Il faut avoir conscience que c’est un travail exigeant, qui nécessite de consacrer du temps à ses projets, aussi bien à l’école que dans le monde professionnel par la suite. L’équilibre professionnel/personnel peut parfois prendre du temps à trouver et il faut savoir l’accepter.
La dernière chose, et peut-être la plus importante, c’est de trouver un mode d’exercice qui corresponde à nos valeurs personnelles pour poursuivre sa carrière sur le long terme. Aujourd'hui, bon nombre de personnes se réorientent et changent de métier après quelques années de carrière et c’est très souvent lié à une incompatibilité entre les valeurs fondamentales d’une personne et celles de son métier. Certaines personnes arrivent à le faire de manière complètement imperméable, mais je reste persuadée qu’il faut savoir pourquoi on se lève le matin, et à quoi notre travail participe. Personnellement je me sens alignée dans ma vie parce que mon travail répond à mes valeurs écologiques et que je participe à améliorer les espaces à vivre de mes concitoyens dans les projets que je réalise. Il faut garder du sens dans ce que l’on fait, je pense que c’est la clé pour être épanoui sur le long terme dans sa vie professionnelle mais aussi personnelle.
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