Interview Jean-Pierre Boujot : architecte Atelier 3A

Interview Jean-Pierre Boujot : architecte Atelier 3A

Bonjour Jean-Pierre, comment êtes-vous devenu architecte ?

L'architecture et moi, c’est un peu comme Obélix et la potion magique, je suis tombé dedans quand j’étais petit. J’ai su très jeune que je voulais être architecte. J’avais déjà quelques facilités et un réel attrait pour le dessin. Mais c’est surtout grâce à un concours de circonstances familiales que j’ai fait mon choix, en découvrant à l’âge de 9 ans l’architecture d’Oscar Niemeyer à Brasilia. Suite à cette découverte, je me suis définitivement passionné pour cet art et me suis mis à dessiner des maisons d’inspiration. Et comme ce domaine me plaisait beaucoup, je me suis renseigné au niveau des études à suivre. J’étais à l’époque plutôt un littéraire et à mon grand désarroi, j’avais besoin d’un bagage scientifique pour entrer en école d’architecture.

J’ai donc pris mon courage à deux mains et j’ai fait un BAC C (Bac Scientifique). Ça n'a pas été une mince affaire mais après deux tentatives, j’ai réussi à avoir mon bac et à intégrer l’UPASE en 1972 (ancien nom de l’ENSASE). Et je peux dire aujourd’hui que ces études scientifiques m’ont bien servi puisque, contrairement aux écoles des beaux-arts, l’école d’architecture de Saint-Etienne était une école scientifique et technique, ce qui m’a donné plus de facilités que les autres étudiants.

Je suis sorti diplômé de l’ENSASE en juillet 1978, en même temps que Jean-Luc Venard, un camarade de promotion et mon associé par la suite. Mais avant de nous lancer dans la vie active, nous devions honorer notre service militaire. Je suis donc parti en coopération en Algérie et Jean-Luc en République Démocratique du Congo. J’ai donc enseigné là-bas pendant 2 ans, j’ai formé des dessinateurs en architecture. 

Quand je suis revenu en France, les conditions d’embauche étaient complexes, il n’y avait pas de travail pour les jeunes architectes. Après un an de chômage, j’ai décidé de créer ma propre chance et donc ma propre entreprise. J’ai contacté Jean-Luc Venard pour lui proposer de devenir mon associé. Il a accepté et nous avons monté notre agence d’architecture à Pélussin en 1981. Cela fait maintenant 41 ans que l’agence ATELIER 3A existe. Aujourd’hui, elle a été reprise par un autre architecte, Antoine CANNIAUX, Jean-Luc est à la retraite et moi, je travaille toujours pour l’agence mais en tant qu’architecte indépendant.

Pourquoi avoir créé votre agence en zone rurale ?

Avec Jean-Luc, nous avons fait le choix de nous installer en milieu rural pour plusieurs raisons. La première est que le marché de l’architecture en ville était déjà saturé et la campagne offrait plus de possibilités. Le métier n’était encore pas trop reconnu à la campagne et tout était à faire, surtout dans le parc du Pilat, une zone naturelle et particulièrement active au niveau urbain. La seconde raison est que notre sujet d’études avec Jean-Luc était ce qu’on appelle la “rurbanisation”, à savoir le développement urbain en milieu rural. C’était donc logique pour nous de poursuivre dans cette voie. A Pélussin et aux alentours, il n’y avait quasiment pas d’autres architectes mais beaucoup de demandes. C’était donc un endroit parfait pour nous installer et démarrer notre activité.


Quelle est votre vision de l’architecture ?

Dans l’architecture, j’ai toujours eu une démarche environnementale. Le choix du parc du Pilat s’inscrivait également dans cet objectif. À travers mon métier, il était important pour moi de sensibiliser nos clients au développement durable. Cela commençait déjà avec les matériaux que nous exploitions, et notamment le bois. Quand j’étais à l’ENSASE, j’avais fait un travail personnel sur les matériaux naturels, notamment le bois et son utilisation dans la construction. Dans les années 1975/1978, presque aucune maison individuelle en France n’était bâtie en bois malgré des ressources forestières importantes, alors qu’au Canada, au Japon ou encore dans les pays nordiques, c’était monnaie courante. J’ai donc souhaité suivre leur exemple et préférer ce matériau écologique pour nos constructions. En 1983, nous avons d’ailleurs participé à un concours dédié aux professionnels du bois (architectes + charpentiers) et nous avons terminé lauréats avec un projet de maison en ossature bois.

Par la suite, j’ai continué dans cette démarche en suivant une formation en développement durable et qualité environnementale des bâtiments. Ça a été extrêmement révélateur pour moi, une réelle prise de conscience environnementale. J’ai notamment approfondi mes connaissances sur la qualité environnementale des structures d’accueil de la petite enfance pour aborder des projets de construction de crèches. Toutes les compétences que j’ai acquises durant ces formations m’ont permis d’améliorer tous nos projets et de sensibiliser peu à peu nos clients et nos partenaires à cette démarche. Aujourd’hui, avec les effets très marqués du bouleversement climatique, cette démarche parait beaucoup plus évidente qu’elle n’était à l’époque.

Quelle expérience professionnelle au cours de votre carrière a le plus compté pour vous ?

Avec Jean-Luc, en plus d’orienter notre expertise dans cette démarche environnementale, nous avions un mot d’ordre : la conception participative. Pour nous, la réussite d’un projet dépendait entièrement de la collaboration entre les différentes parties prenantes, les partenaires techniques (ingénieurs, etc.), les maîtres d’ouvrage (les clients ou autres personnes concernées par le projet) et nous, architectes, en tant que chefs d’orchestre du projet. Celui qui me parle le plus aujourd’hui dans cette démarche participative est la conception de notre première école maternelle, en collaboration avec toute l’équipe d’enseignants et personnels de l’établissement et les représentants de la mairie. Une belle réussite aussi bien d’un point de vue relationnel qu’architectural. Cette école reste encore très fonctionnelle encore aujourd’hui.


Quels conseils donneriez-vous aux futurs diplômés de l’ENSASE ?

Pour être architecte, il faut être doté d’une large culture et s’intéresser à plein de domaines, être curieux de tout. S’ils ont la possibilité de voyager, de lire, d’aller dans des musées, etc., je leur conseillerais vivement de le faire, car c’est comme ça que l’on arrive à ouvrir son esprit à d’autres choses, qualité primordiale à avoir pour exercer cette passion. Car le métier d’architecte est complexe, il faut appréhender plein de paramètres en même temps et une ouverture d’esprit suffisamment large peut grandement vous aider à le faire. 

De plus, je leur recommanderais de travailler en équipe, car c’est comme ça que l’on apprend et que l’on se forme en croisant des visions, des opinions et en forgeant ses compétences. La synergie des diverses approches et l’intelligence collective permettent les meilleurs projets. 

Enfin, je les exhorterais à rester humbles. En tant qu’architectes, nous ne sommes pas des maîtres à penser et il faut mettre ses connaissances au service des autres. L’architecture du quotidien doit être sobre et fonctionnelle.

Articles pouvant également vous intéresser

Cookies

La navigation sur ce site nécessite l'utilisation de cookies obligatoires pour le bon fonctionnement du service. Ces cookies permettent de gérer l'authentification et l'internationalisation du site.