Interview alumni - Aline DUVERGER : Associée de l'Atelier des Vergers Archi

Aline DUVERGER, c’est peut-être « l'archétype » d’une femme motivée et accomplie. Réussite dans beaucoup de ce qu’elle entreprend, c’est avec beaucoup de sagesse et de recul, qu’Aline nous tisse son parcours et nous dévoile ses doutes, ses réussites, mais également ses ambitions, qui ont nourri la femme qu’elle est devenue aujourd’hui : associée de l’Atelier Des Vergers Archi.
Bonjour Madame Duverger, quel est votre parcours académique ?
J'étais plutôt à l'avance et à l’aise à l’école. J’ai fait un cursus scientifique avec un baccalauréat C, sans réelle passion scientifique.
En terminale, j’ai pris conscience que les études scientifiques n’étaient pas mon réel objectif, au sens où, en classe de première, j’avais découvert une réelle passion pour l’écriture et la philosophie.
Malgré cela, un peu de manière naturelle, je me suis retrouvée à déposer un dossier pour Maths Sup et Maths Spé, j’ai été prise à la Martinière à Lyon.
C’est là que j’ai eu un électrochoc et que je me suis dit “Mais non ! Mais non ! Je ne veux pas y aller !” [rire]. Je me suis donc rapidement remis sur mes acquis pour l’expliquer à mes parents.
Issue d’une famille de paysans, de la côte Roannaise, ils étaient assez troublés et se sont demandés quelle était cette nouvelle “lubie”, pour eux, l’école d’archi ce n’était pas sérieux, cela les inquiétait .
Malgré l’inconnu, portée par mes profs, j’avais la chance d’avoir un comité d’orientation à l’école.
En janvier-février, je leur ai fait part de mes doutes, avec en tête, cette exposition qui avait eu lieu quelques mois auparavant, à Lyon, sur “L’habitat de l’an 2000”. C’est là que je me suis dit “mais l'architecture ça me plairait, un peu, beaucoup, peut-être !”.
Encouragés, mes parents m’ont laissé l’opportunité de faire mes preuves.
Je me suis inscrite à des écoles d'architecture, notamment à l’ENSASE de Saint-Etienne, car l’école avait bonne réputation. J’ai été acceptée.
En quelques mois, j’ai tout de suite compris que c’était le bon pari, qui réunissait mon côté littéraire, sociologique et philosophique avec toujours des notions scientifiques.
Je suis rentrée en 1977, ressortie en 1983 diplômée par le gouvernement, architecte DPLG. Ce diplôme nous permettait d’être architecte et le droit d’être à son compte.
Comment êtes-vous devenue associée du Cabinet des Vergers Archi ?
Pendant les 6 dernières années de mes études, j’ai beaucoup travaillé. J’avais la volonté d’aider mes parents. Si au début c’était chez un pâtissier le week-end, à partir de la quatrième année, j’ai travaillé chez des architectes à Roanne ou Saint-Etienne .
Lorsque je suis sortie de mes études, j’étais salariée chez un architecte de Roanne, Daniel Faisant. J’ai travaillé quelques mois avec lui, puis je me suis mise à mon compte, au début de l’année 1985.
J’ai commencé toute seule, comme tous les architectes finalement, par la maison de ma grand-mère, qui m’avait attendu pour réaliser des travaux importants. Puis des projets pour des amis, par ci et là.
C’est en 1988 que nous créons, avec Yves Perret, une société de faits et de moyens qui s'appelait Atelier de L'Entre. Marie-Renée Desages nous a rejoints plus tard. Nous avons gagné des concours de marchés publics et nous avons travaillé sous cette forme jusqu’en 2003.
Pendant cette période, en 1993-94, j’ai fait un complément de formation sur la construction de bois. C'était une formation à l’école Polytechnique de Lausanne, qui s'appelait Postgrade Construction en Bois, ouverte aux architectes et ingénieurs.
En 2003, pour des questions d’organisation, d’agence, j’ai repris ma liberté. J’ai alors travaillé toute seule sous le nom Aline Duverger Architecte.
Sandrine Font, secrétaire administrative, m'a suivi ainsi que d’autres architectes de l’agence. Elle travaillait à mes côtés comme salariée depuis 1988. Elle travaille toujours avec moi actuellement.
Je me suis alors retrouvée en 2003, avec 3-4 architectes dans l’agence. Travailler à son compte, c’est parfois renoncer à son salaire tous les mois, chercher des missions pour répondre à des marchés publics.
En 2014, deux architectes de l’agence Vincent Daniere et Louison Thiam sont devenus des associés et nous oeuvrons ensemble aux Ateliers des Vergers Architectes ;
Que faites-vous aujourd’hui concrètement, quels sont les projets qui vous ont le plus marqué ?
Nous sommes une agence de 16 salariés et 3 associés. Nous avons travaillé sur des projets intéressants, gros, petits, une belle équipe, des partenariats sympas, des choses qui se sont construites petit à petit.
Un projet qui m’a le plus marqué ? Je dirais la terminaison de l'Église de Firminy. Je n’étais pas à la conception, mais j'étais une des acteurs de ce chantier emblématique et passionnant que nous avons livré, mis en œuvre sous la direction de José Oubrerie architecte issu de l’atelier de Le Corbusier et maître de l'œuvre .
Je pourrais également citer l’antenne du Conseil général de Montbrison, livré en 2014-2015, le premier bâtiment peu consommateur d'énergie, que nous avons réalisé pour le Conseil Départemental de la Loire.
Et plus tard on fait quoi ?
Lorsque j’étais diplômée, je n’avais pas eu l’idée de me mettre à mon compte. Mais deux éléments ont fait tout bousculé :
des gens m’attendaient. Dont ma grand-mère, qui m'avait dit, “Tu t’occupera de ma maison.” Je me suis alors demandé si je devais faire ce projet seul ou le donner à quelqu’un ?
J’ai fait partie d’une association qui s’appelait Les Amis Le Corbusier. Je militais beaucoup pour la terminaison de l’Église Le Corbusier, qui était à Firminy< ; je côtoyais les architectes, dont un, très connu, Claude Parent. Un jour Claude m’a poussé à entreprendre mes projets et m’installer. J’avais envie, mais j’étais inquiète, et si je ne savais pas faire ? Claude m’a alors répondu : Tu apprendras des choses tous les jours de ta vie d’architecte, dans 50 ans tu apprendras encore, dans 60 ans aussi, donc commence maintenant.
Je me suis alors lancée.
Je n’avais pas beaucoup de liens avec l’école. Je me suis construit un réseau avec les architectes, les ingénieurs, les économistes que j’ai rencontrés.
Le réseau se construit. Le fait de travailler avec le bois très tôt, dans les années 90 était une image peu reconnue encore ; on me jugeait “d’écolo” [rire]. J’avais des valeurs attachées à des choses de mon environnement, de ma famille, que j’ai répercutées sur mon travail et qui se sont développées en même temps que les attentes de la société. Je n’étais plus écolo, mais une architecte qui travaillait dans le développement durable , c’étaient les années 1994.97.
L’agence est d’ailleurs restée attachée au bois, une image de constructeurs raisonnés, j'aime bien ce mot, une construction raisonnée. Du coup avec l’arrivée des nouvelles réglementations, l’agence était en pointe. Nous tentons toujours de rester sur cette ouverture aux attentions raisonnées.
Un conseil à donner aux jeunes, et moins jeunes, qui cherchent leur chemin ?
Je donnerais deux conseils, que je donne aux stagiaires dans l’agence:
Si vous avez envie d’être indépendant, faites-le le plus tôt possible. Même si on pense qu'on ne sait pas faire. Le conseil est assorti du fait qu’on est toujours moins seul dans la vraie vie qu’à l’école. Dans la vie vous avez des archis, des équipes, des économistes, des conseils, vous fondez des partenariats.
Ne pas renoncer à ce que vous croyez. Même si certaines choses ne paraissent pas forcément dans l’ère du temps, si vous avez envie de le faire, faites-le. Je dis ça par rapport à Le Corbusier. J’ai fait partie de cette association à 20 ans. Si l’on m’avait dit en 1980 que j’allais livrer un jour la fin du chantier en 2003-2006, je n’aurais pas parié 20 centimes !
Je trouve que nous avons des métiers où l’imaginaire et la créativité doivent s’exprimer, et cela ne se fait pas dans les contextes contraints, bridés. Il faut toujours garder à l’esprit que nous sommes bien à notre place.
Nous travaillons beaucoup, en 36 ans je crois que je n’ai jamais fait une semaine à moins de 60 heures. Ça n’existe pas. Nous sommes dans un métier de passion, nous ne sommes pas toujours actifs dans le sens où dans les 60 heures, nous consacrons du temps à la recherche, à imaginer etc. Nous sommes parfois dans des moments où les choses doivent être matures.
Nous travaillons beaucoup, mais lorsque l’on aime c’est très sympa !.
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